Au-delà des gènes
Le développement embryonnaire
L'inactivation du chromosome X est spécifique aux mammifères, chez d'autres espèces telles que la mouche drosophile on observe une sur-expression du X chez les mâles pour compenser le déséquilibre avec les femelles...
Cependant, le contexte précis dans lequel ce phénomène a lieu chez l'être humain reste encore méconnu dans le domaine scientifique. Pour cela, nous nous attacherons dans cette partie à décrire le développement embryonnaire chez la souris, espèce chez laquelle l'embryogenèse fut la plus étudiée, bien qu'il existe encore des parts d'ombres à ce phénomène.
En bas de page, nous verrons les différences observées entre le développement embryonnaire chez la souris et celui humain.
Le développement embryonnaire murin
La fécondation
Cette étape permet la rencontre entre un spermatozoïde et un ovocyte, qui à terme donnera naissance à un nouvel individu. La fusion des deux gamètes assure la mise en communs des deux patrimoines génétiques parentaux, mais aussi la détermination du sexe de l'embryon. Tous les ovocytes transportent un chromosome X (Xm), tandis que le spermatozoïde peut transporter un chromosome Y, ce qui donnera à terme un individus masculin (XY); ou bien il peut transporter un chromosome X (Xp) qui conduira à la détermination d'un individu de sexe féminin (XX).
Source: Maxicours
Cependant, la présence de deux chromosomes X ACTIFS au sein d'un même organisme n'est pas viable. En effet, lorsque celui-ci est transcrit par les ARNm puis traduit en protéines par les ribosomes; cette double production protéique provoque la mort de l'embryon. Ainsi un des deux chromosomes X est partiellement inactivé afin de répondre au mécanisme de "compensation de dose", c'est à dire afin que les quantités protéiques produites chez l'homme et la femme, de part leurs chromosomes sexuels, soient équivalentes.
Ainsi, apparaît l'inactivation du chromosome X. Chez les individus de sexe féminin, un seul chromosome X reste actif, l'autre est inactivé par des mécanismes épigénétiques que nous avons détaillés précédemment.
Le développement
Les chromosomes X présentent un centre d'inactivation (Xic) contenant le gène Xist, gène déterminant dans le principe d'inactivation du chromosome. Le gène Xist traduit un ARN non-codant qui ne sera pas traduit en protéines. De fait, on observe que Xist est actif sur le X ayant été inactivé préalablement. Quand au second gène présent sur le chromosome X actif celui-ci est réprimé, n'ayant plus d'utilité.
Chez la souris, on assiste à une double inactivation du chromosome X. Au cours de la première inactivation le chromosome X paternel (Xp) est toujours inactivé, car il est le seul à ce moment précis à posséder le gène Xist actif; on parle alors d'inactivation empruntée. Cette inactivation sera conservée dans les cellules formant le placenta, tandis que les autres cellules ( hors placenta) subiront une seconde inactivation qui sera cette fois aléatoire entre Xp et Xm. En effet, les premières cellules ayant subi l'inactivation empruntée, mais ne formant pas le placenta, vont être réactivées; les cellules possèdent alors deux X actifs avant l'inactivation aléatoire.
Lors de l'inactivation aléatoire dans les cellules, celles-ci vont procéder au comptage des chromosomes afin de vérifier qu'il y ait bien deux chromosomes X. Cela est réalisé par la présence du gène RNF12 ( présent sur les deux chromosomes X) qui vont produire des protéines et c'est bel et bien la concentration en ces protéines qui va permettre à la cellule de détecter le nombre de chromosomes X actifs. Ce mécanisme mis en place par la cellule permet à celle-ci de réaliser les étapes de l'inactivation sans générer de futurs problèmes, autrement dit sans qu'il y a un chromosome de plus ou de moins.
En d'autres cas, lorsqu'il n'y a qu'un seul X ou au contraire lorsqu'il y en a trois; l'inactivation de l'un d'entre eux, peut provoquer des maladies génétiques telles que XO ou bien XXX ayant d'importantes conséquences. A ce stade, la probabilité pour chaque chromosome d'être inactivé est de 50% chacun. Au même moment, l'embryon se fixe dans l'utérus de la mère.
Source: Collège de France, Edith Heard
Chez la souris, l'inactivation du chromosome X se fait dès les premiers cycles cellulaires, si les deux chromosomes devaient rester actifs plus longtemps, cela provoquerait une surproduction de protéines et à terme, la mort de l'embryon.
Après que la cellule ait choisi quel chromosome sera inactivé, commence alors le principe de différenciation, il va être inactivé progressivement par plusieurs mécanismes dont certains de nature épigénétique.
Source: Thèse de Andrew Oldfield
Tout d'abord le gène Xist va s'étendre sur toute la longueur du chromosome. Ce n'est qu'après avoir "recouvert" le chromosome dans son intégralité que l'on observe les premières répressions géniques. C'est ainsi que petit à petit, environ 1000 gènes sont inactivés. Ce premier phénomène est presque immédiat après l'inactivation aléatoire.
Suite à cela, de nombreuses marques épigénétiques (méthylation, acétylation, complexe Polycomb ...) vont venir s'imposer pour participer et aider au maintien de cette inactivation. Entre autre, certaines protéines du complexe Polycomb dont nous avons expliqué le fonctionnement dans une page précédente, vont permettre le maintien de cette inactivation. En inactivant ( par modification de l'état chromatinien) les gènes concernés du chromosome.
Une fois les gènes réprimés, le chromatine devient de
l'hétérochromatine, elle se condense en formant des replis
sur elle-même puis, se déplace vers l' extrémité
du noyau, il s'agit corpuscule de Barr.
Le corpuscule de Barr se situe contre l'enveloppe nucléaire,
dans cette région il n'y a plus d'ARN polymérase, puisqu'il s'agit
à présent de chromatine inactive.
Source: Sardar
Lorsque la cellule a inactivé l'un des deux chromosomes, le choix est irréversible. Au cours des mitoses successives ce sera toujours le même chromosome qui sera inactivé.
Le développement embryonnaire humain
Chez l'être humain le développement embryonnaire reste encore peu connu. Tout d'abord de part sa difficulté à être étudiée, les laboratoires de recherche ne peuvent étudier un embryon fécondé in vivo plus de 7 jours, et d'autre part parce qu'il existe encore de nombreux mécanismes non expliqués.
Néanmoins, il est possible de voir quelques différences entre le développement embryonnaire chez la souris et le développement embryonnaire humain. Parce que oui, même si tous deux sont des mammifères, l'inactivation ne se fait pas de la même manière.
Chez l'être humain Xm et Xp sont tous deux porteurs du gène Xist et chacun est susceptible d'être activé à tout moment. Il n'y a pas d'inactivation empruntée.
Puis chez la souris, l'inactivation définitive du chromosome X se fait très rapidement dans les premières divisions cellulaires, or chez l'être humain cela est beaucoup plus tardif. Après 7 cycles cellulaires de développement in vitro, les deux chromosomes sont toujours actifs, et pourtant l'embryon humain est toujours vivant.
Ces différences montrent la difficulté de définir les mécanismes exactes de l'inactivation du chromosome X, cela laisse de nombreuses questions en suspens sur les mécanismes pour devenir une femme.