Au-delà des gènes
Transmission des mécanismes épigénétiques
La transmission des caractères épigénétique ne se déroule pas de la même façon pour des cellules germinales (à l'origine des gamètes) et les cellules somatiques (formant le corps). Cependant les mécanismes sont peu connus pour les deux types de cellules.
1/ Transmission des marques épigénétiques au travers des divisions cellulaires
Cellules somatiques
Un des termes clés de la définition d’épigénétique est « transmissibilité ». En effet pour qu’une marque soit caractérisée d’épigénétique il faut qu’elle soit transmissible au fil des divisions cellulaires.
Dès l’embryogenèse, les cellules vont recevoir des signaux les amenant à exprimer ou réprimer certains de leurs gènes, conduisant ainsi à la mise en place d’une spécialisation cellulaire. Les marques épigénétiques doivent alors être transmises lors des divisions cellulaires pour que la cellule garde son rôle, sa spécialisation.
La transcription de la chromatine commence d’abord par l’intervention de facteurs capables de retrouver leur cible dans l’ADN : ils cherchent le début de la séquence à transcrire. Ensuite ils vont recruter d’autres facteurs qui ont pour rôle de déplacer, faire bouger les nucléosomes.
Une fois que la chromatine est ouverte, la machinerie de transcription peut se mettre en place et commencer le processus.
La mise en place de ce système n’est pas encore très bien comprise, mais des activités de remodelage et de changement d’état de la chromatine sont essentiels.
Méthylation de l'ADN
La phase de réplication de l’ADN permet d’obtenir deux copies identiques du génome à distribuer aux futures cellules filles. Ce phénomène est semi-conservatif, c’est-à-dire que chaque nouvelle molécule d’ADN est constituée d’un brin ancien et d’un brin nouvellement synthétisé. La méthylation de l’ADN dans le contexte des CpG (Cytosine-phosphate-Guanine) est donc partagée entre les deux nouvelles molécules d’ADN. Les ADN méthyltransférases dites de maintien (DNMT1) entrent alors en jeu pour rétablir le modèle de méthylation du brin d’ADN nouvellement synthétisé.
DNMT3a et DNMT3b (de structure similaire à DNMT1) sont des ADN méthyl-transférases n'agissant pas au même moment que DNMT1. Elles peuvent mettre en place un nouveau profil de méthylation de l'ADN non modifié auparavant et sont ainsi appelées ADN méthyltransférase de « novo ».
Modifications des histones
Comment les brins nouvellement synthétisés peuvent hériter des marques déposées sur les histones ?
Une partie des histones va être réutilisée dans les nouveaux brins mais des nouvelles histones sont aussi rajoutées.
Pour pouvoir faire la transcription il faut tout d’abord que l’ADN soit ouvert ainsi que la chromatine. Il y a alors l'intervention d'un facteur FACT qui permet de relâcher les histones des nucléosomes et de les faire sortir. Ces histones libérées peuvent être recyclées mais pas n’importe comment. Il y a des facteurs très spécifiques qui s’appellent des chaperones. Elles vont accompagner les histones dans ce processus.
Il y a plusieurs histones chaperones (au moins 5 connues, par exemple CAF-1).
Certaines de ces chaperones sont amenées à la fourche de réplication par PCNA.
Certaines histones chaperones s’occupent seulement du recyclage des anciennes histones,
d’autres seulement de l’arrivée de nouvelles histones et certaines font les deux.
Beaucoup de questions restent encore en suspens. Nous ne savons pas expliquer le
processus de transmission des marques épigénétiques par les histones, de manière précise.
Par exemple, comment les nouvelles histones acquièrent-elles les marques épigénétiques ?
Un des facteurs clé de la réplication de l’ADN est le facteur PCNA (proliferating cell nuclear antigen). Il entoure l’ADN qui est en train de se répliquer. D’autres facteurs vont venir s’associer à ce facteur PCNA, lors de la réplication mais aussi de la réparation. C’est donc un facteur essentiel qui permet le recrutement de différents types d'acteurs de la réplication.
La transmission des caractères épigénétiques peut se faire de plusieurs manières.
Nous parlons de marques épigénétiques trans et cis.
Si la marque épigénétique est qualifiée de trans, cela signifie qu'elle sera transmise par une division du cytosol lors de la division cellulaire. Ces marques se maintiennent ensuite grâce à des boucles de rétroactions (augmentent ou diminues l'activité de la molécule concernée) et à des facteurs de transcription. On retrouve les marques trans dans l'activité des petits ARN et chez des organismes simples comme les procaryotes ou les eucaryotes unicellulaires.
Si la marque épigénétique est qualifiée de cis, cela signifie qu'elle est associée physiquement avec le chromosome. Ces marques sont donc héritées avec la division de l'ADN. Dans la catégorie des marques transmises en cis nous retrouvons la méthylation de l'ADN et les changements sur les histones. Nous développerons ces exemples plus bas.
2/ Hérédité des marques épigénétiques au travers des générations
Cellules germinales
Est-ce que les marques épigénétiques peuvent se transmettre sur plusieurs générations ?
Durant les premières phases du développement du zygote, un effacement des marques épigénétiques aurait lieu. Pourtant, plusieurs expériences et études statistiques montrent une relation de ces marques entre les générations.
On parle d’hérédité intergénérationelle quand l’exposition à l’environnement de la mère (génération « F1 ») qui porte un enfant (génération « F2 ») a un impact sur les enfants qu’il concevra à son tour (génération « F3 ») du fait de l’exposition des cellules germinales fœtales de l’individu F2.
Une étude menée en 2015, a montré un lien entre le profil de méthylation de l’ADN d’un nouveau-né et l’exposition au plomb de la mère lorsqu’elle était enceinte. Leurs résultats ont permis de mettre en avant, pour la première fois chez l’Homme, que l’environnement dans lequel se trouve la mère durant la grossesse a un impact sur la génération suivante et sur ses cellules germinales, donc sur la 3ème génération.
Enfin, nous pouvons parler d’hérédité transgénérationnelle, c’est-à-dire des marques épigénétiques transmises sur plusieurs générations (plus que trois). Plusieurs exemples de cette transmission on été observés et compris chez les plantes, mais pas encore vraiment chez l’Homme.
Cependant, les observations faites en laboratoire, montrent que ces transmissions transgénérationnelles ne dépassent pas quelques générations, ce qui est compatible avec la nature réversible des mécanismes épigénétiques.
Des recherches ont également été menées chez le rat, montrant que l’exposition d’un rat à des pesticides ou toxines peut provoquer des modifications épigénétiques comme une hyperméthylation de l’ADN. Cela provoque plusieurs symptomes, comme une baisse de la fertilité par exemple, qui sont présents sur plusieurs générations.
Les propriétés de l’épigénome, qu’il s’agisse de sa mise en œuvre au cours de la vie intra-utérine, de sa transmissibilité, ou de la réversibilité possible de ses effets, ouvrent des perspectives pour la compréhension et la prévention des maladies. Les professionnels de la santé pourraient concevoir des outils pour prédire, détecter et prévenir très tôt certaines maladies, et briser des chaînes de transmission intergénérationnelles, avec des avancées remarquables tant en termes de santé, de qualité de vie, qu’en termes économiques.